vendredi 6 décembre 2019

LA GREVE, SEUL MOYEN DE SE FAIRE ENTENDRE ?

Avec plus de 800.000 manifestants, dont la majorité venait des services publiques, le jeudi 5 décembre, dans toutes les grandes villes de France, l'opposition contre la réforme des retraites a impliqué la paralysie des transports publics, une fermeture d'une partie des écoles, une grève des agents de l'Etat, et nul ne peut prévoir les suites de ce bras de fer entres des syndicats moribonds et un gouvernement technocrate et tâtonnant qui fabrique peut-être une usine à gaz de plus. 





L'objectif du Président de la République est de simplifier les régimes de retraites pour plus d'efficacité et de justice sociale. 

Le résultat pourrait aboutir à une illisibilité totale de cette réforme. 
Souvenons-nous des expériences passées : la volonté politique de réformer les retraites a toujours mis la société sens dessus dessous et toujours échoué (Alain Juppé en sait quelque chose !)

Avant toute autre considération, la souffrance sociale d'un conducteur de train me fait vraiment rigoler, mais celle exprimée par les premiers "gilets jaunes", des emplois précaires, des temps partiels de travail, des habitants des territoires sans entreprises, est d'une toute autre France qui souffre. Si notre système social n'est pas parfait, il est un des meilleur au monde et envié par beaucoup d'étrangers.

UNE STRATÉGIE REDOUTABLE !

Et ceux qui bloquent la France aujourd'hui sont peut-être ceux qui sont le moins à plaindre !
La CGT, FO, SUD RAIL, ont des troupes qui ne demandent qu'à manifester et le 5 décembre, avant les fêtes de fin d'année dévoile une stratégie de pression contre l’exécutif pour le contraindre à un recul. Prendre en otage les moyens de communication pourrait bien aboutir à un ras-le-bol des usagers et en définitive faire basculer l'opinion publique en défaveur des syndicats.

UNE SITUATION POLITIQUE COMPLEXE :

Mais rien ne sert de nier cette mobilisation sociale même s'il ne faut pas être naïf. 
  • Hé oui, le pouvoir offre une extraordinaire occasion aux syndicats de se donner l'illusion qu'ils se referont une santé avec 800.000 personnes dans les rues des grandes villes. C'est une illusion parce que la plupart de nos concitoyens ne leur font plus confiance pour défendre leurs droits. 
  • Pourtant Il faut au gouvernement négocier avec les organisations syndicales pour aboutir à un résultat.
  • Les partis politiques, de droite comme de gauche, se frottent les mains se disant qu'un échec gouvernemental ramènera leurs électeurs perdus dans leurs filets. 
  • Les pauvres ! Il n'y a plus que les alouettes, en voie de disparition, pour être attirées par leurs miroirs. 
  • On ne peut pas construire une alternative politique sans projet. Ni la droite ni la gauche n'en proposent !
  • Quant-aux "gilets jaunes" se méfiant de toutes les institutions et des syndicats en particulier, certains se radicalisent dans la violence, rejoignant les casseurs, et l'anarchie de la pire espèce, beaucoup d'autres sont complètement paumés, considérant que la précarité n'est pas prise en compte et campent donc sur leur opposition à tout dialogue constructif.


Le Président de la République, conseillé par des économistes technocrates, avait pourtant une volonté initiale courageuse, mais il se heurta de plein fouet à la réalité sociale d'une part et à la question importante de l'équilibre financier d'un système de répartition égale pour tous. 

Sans doute inexpérimenté sur le plan politique, il n'a pas ressenti le climat social et a voulu imposer sa vision technocrate du sommet de son fauteuil présidentiel. Piégé, il est obligé aujourd'hui de "bricoler" des adaptations : autant dire une usine à gaz !

Il y a pourtant des principes de réalité incontournables : 
  • Il faudra travailler plus longtemps, on en a tous conscience, sauf les extrémistes pseudo-révolutionnaires aux sauces démagogiques comme celles du Front de gauche, pour ne citer qu'eux.
  • Il y a 30 ans quatre salariés contribuaient à la retraite d'une personne, aujourd'hui seulement deux ! 
  • Donc il faudrait augmenter considérablement les cotisations sociales retenues sur les salaires pour assurer l'équilibre du système financier.
  •  Il faudrait travailler beaucoup plus longtemps pour cotiser : il y a 50 ans que le monde du travail a pris conscience de cette réalité.
  • Les syndicats, pourtant intelligents, se "boukérisent"  dans des droits acquis, des régimes spéciaux, dans une augmentation des salaires, dans un départ à la retraite à 60 ans, et entretiennent des illusions. C'est d'ailleurs pour cela que la grande majorité des actifs ne se syndicalise plus. 
  • Un syndicat qui se déclare réformiste doit accepter de bouger ses lignes de défenses et le pouvoir, de son côté, doit changer de méthode de gouvernance sociale ;
  • Tout homme politique devrait se souvenir que ce n'est pas "l'outil technique" d'une réforme qui compte pour l'opinion publique mais de sentir ce que le peuple veut. 
  • Le technocratie, sortant de l'ENA, super cultivé et intelligent, croyant tout savoir est une calamité sur le plan socio-économique, car complètement déconnecté du bon sens populaire: il est à 1000 kilomètres de ce que vit le Français moyen et à 100.000 kilomètres de la galère quotidienne des petites gens.
PAROLE D'UN CITOYEN ORDINAIRE :

Je  ne suis pas un homme politique et donc bien incapable de savoir ce que veut ce peuple aujourd'hui... D'ailleurs le sait-il lui-même ?


L'art de gouverner efficacement un pays s'apprend décidément dans la douleur. Il exige la confiance, or c'est ce qui manque aujourd'hui à l'autorité publique.

Si la grève est un moyen démocratique pour donner un signal fort à l’exécutif, la chienlit des violences la décrédibilise et elle fait hélas maintenant partie de tout rassemblement contestataire. La violence développe un fond d'angoisse populaire et augmente le doute dans les compromis sociaux.

Le chantage au blocage des transports est par exemple inadmissible : il n'y a qu'en France où il est possible aux agents des services publiques de prendre en otage l'ensemble de la population. (Mon petit-fils étudiant et chercheur à Paris marche 5 h pour se rendre à son laboratoire de biologie !)

UN RÊVE SOCIAL :

Ne rêvons cependant malheureusement pas, le temps où les organisations représentatives des salariés seront réellement impliquées dans les négociations collectives et dans la prise de décision au sein de leur entreprise ou service n'est pas pour demain. 


La cogestion est un concept totalement ignoré dans le monde du travail français et fracture le tissu social. Nous en vivons la crise.

Et pourtant, les conventions de branches d'activités et de services est la seule issue sociale pour réduire ce choc culturel et aboutir à une paix sociale et à un essor économique. L'ancien responsable syndical et administratif, que je fus naguère, au sein de commissions d'études de conventions collectives, en est convaincu. Le droit social est un équilibre subtil et demande le sens de la responsabilité civique aux partenaires. Quand les vues politiciennes viennent polluer ce compromis c'est foutu et la chienlit prend le dessus.

Pour la petite histoire en 40 ans d'activité professionnelle, je n'ai participé brièvement qu'à une seule grève, celle de 1968. Aimant mon métier, j'ai toujours pratiqué le dialogue social et l'art du compromis, le seul efficace. 


La grève est un droit, certes, à condition qu'elle soit le résultat de l'échec d'une négociation. En France elle est malheureusement un préambule avant tout dialogue : c'est l'histoire d'une faillite historique sur le plan de la dynamique sociale. 
Il faut donc sortir de cette espèce de radicalité absurde, accepter d'entendre ce que ressentent les partenaires sociaux, se parler autour d'une table et enfin négocier à partir d'une réalité et non d'une vue de l'esprit. C'est ça la réforme ! (6 décembre 2019)

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