mercredi 11 mars 2020

L'HÔPITAL FRANÇAIS EST-IL LE MEILLEUR DU MONDE ?

Si le patient hospitalisé en urgence, du 28 février au 10 mars 2020, victime d'une hémorragie digestive pouvant être fatale n'a aucune compétence pour répondre à cette question, la singulière expérience d'un passage dans la chaîne médicale avec la rencontre d'agents hospitaliers, d'aides soignants, d'infirmiers, de médecins et d'étudiants me permet de rendre compte de ce que je ressens.



SAMU

Constatant des symptômes inquiétants, j'ai appelé le SAMU qui m'envoya immédiatement une ambulance.




SERVICE DES URGENCES

Au service des urgences, qui reçoit toute la misère de la société, le manque de moyens est une évidence. "Mais nous faisons notre travail en nous adaptant" me dit amèrement une infirmière.

Des patients attendent dans les couloirs qu'une chambre se libère. 
Personnellement, je me suis retrouvé en compagnie d'un contagieux avec un simple rideau de séparation et un masque pour une illusoire protection. Ce fut le premier bémol d'une réalité difficile à admettre.

INTERVENTION

Après un scanner abdominal et pelvien, je fus dirigé à toute vitesse dans le service d'hépatologie pour une ligature des varices de l’œsophage à l'origine de l'hémorragie : "La vie de nos patients est notre priorité absolue et vous avez bien fait d'appeler le Samu en urgence. C'est chaud !" me précise le chirurgien.
La rapidité du diagnostic et l’efficacité de la technique me stupéfient. Trois heures après mon admission je suis transféré dans une chambre de soins intensifs durant 5 jours.

SOINS INTENSIFS

Sauvé ! C'est le plaisir de vivre tout simplement...
Immédiatement, le journaliste amateur que je suis devenu, comprend qu'il est aux premières loges pour découvrir les motivations de ces acteurs pluridisciplinaires qui me soignent. 
Je ne suis pas déçu car l'humain est au cœur de leurs engagements : "Notre responsabilité est immense" me dit une charmante infirmière. 
Entre-nous, j'ai vécu le mythe de la jolie infirmière au chevet de son malade et ce ne fut pas désagréable !

Je bâtis donc mon reportage à partir de propos recueillis. Tous mes interlocuteurs ont répondu à mes questions avec gentillesse mais aussi avec une réserve déontologique toute-à-fait justifiée. 

Mon seul but est d'intéresser mes lecteurs via cette expérience tout en restant à ma place, vissé sur mon lit d'hôpital.

Le coronavirus commençait à inquiéter et j'ai ressenti cette pression dans le milieu hospitalier dont l'attitude était la discrétion avant tout pour ne pas angoisser d'avantage les patients.

CHERCHER-SOIGNER-TRANSMETTRE

Le CHU Charles-Nicolle de Rouen est un terrain de confrontation car la formation y est le principe du travail d'équipe.
La recherche est un état d'esprit inhérent à la synergie de la chaîne universitaire. Le système français caracole à la meilleure place mondiale mais il y a un bémol : "Le manque de moyens récurent s'exprime à tous les échelons de la santé publique" insiste un interne que j’interroge.

L'EQUIPE

Ma curiosité, plongée dans ce milieu, complètement inconnu pour moi, me pousse à découvrir la motivation de l'agent hospitalier qui fait mon lit, nettoie ma chambre et la salle de bain, m'apporte mon repas, de l'aide- soignante qui prend ma température, vérifie ma tension artérielle, m'aide en cas de besoin pour faire ma toilette, de l'infirmier qui accomplit tous les gestes thérapeutiques nécessaires à l'investigation comme aux soins, au médecin qui cherche à comprendre les causes, juguler les effets, mettre en place un protocole de traitement ... "Votre cas demande réflexion, me dit-il, vous êtes complexe... "
De cette équipe, je soulevé un tout petit peu le voile de son immense responsabilité : elle accompagne les malades dans un moment critique de leur vie et parfois de leur mort.

"Aimez-vous votre métier ? Quelle est votre motivation ?  Quelles sont vos frustrations ?" lui demande-je en annonçant que j'écris un article. Je me contente de retransmettre fidèlement les réponses reçues :
  • "Pour tenir le coup, il faut être passionné, aimer le contact et l'accompagnement".
  • "Le CHU est un formidable terrain d'échanges car sans cesse nous sommes remis en question dans notre travail d'équipe : nous transmettons notre savoir-faire à des étudiants qui cherchent à comprendre nos protocoles."
  • "Il y a une interaction extrêmement dynamique entre les avancées de la recherche et les applications thérapeutiques."
  • "C'est au sein d'une équipe où chacun à sa place joue son rôle que nous participons à une aventure humaine et technologique passionnante !"
  • "Nous pouvons nous dépasser au service de nos patients et chacun de nous, peut s'il le désire, s'élever dans la chaîne des compétences professionnelles par la formation continue."
  • "L'hôpital français est sans doute un des meilleurs du monde, mais nous sommes très inquiets car il manque vraiment de moyens. Pourrons-nous toujours viser l'excellence dans ces conditions ?"
  • Le pouvoir, quelle que soit sa tendance, ne nous écoute pas car il sait que nous accomplissons notre mission et ne fait donc pas les réformes nécessaires, n'accorde pas les moyens financiers en adéquation avec la réalité des besoins."
SOCIAL

Un autre aspect m'a profondément touché en bousculant mon apriorisme.
Une aide-soignante m'interrogea longuement sur les conditions matérielles et sociales de ma vie. 
A ma grande surprise ses questions, sans rapport avec mon état pathologique, lui permirent de me situer dans le passé, le présent et l'avenir.
" Vivez-vous seul ou en couple ? Avez-vous des enfants, des petits-enfants ? Comment occupez-vous votre retraite ? Votre maison a-t-elle des escaliers ?"
Ses questions, mine de rien, lui permirent d'envisager sereinement ma sortie de l'hôpital car je suis un privilégié, disposant de bons revenus; bien inséré dans la société dans laquelle j'agis.
"Soigner se fait en tenant compte du passé du patient pour envisager son avenir social" me dit une assistante sociale de passage pour mon voisin de chambre. Elle se présente comme un lien et 24 h après son passage, il fut admis dans une maison de retraite médicalisée.
Là encore, l'hôpital français traduit bien l'esprit de solidarité de la société dont il est une des expressions d'excellence. Un SDF fut mon voisin de chambre. Il passa une nuit agitée cuvant sans doute un excès d'alcool... pétant, rotant, poussant des cris, marmonnant des propos incompréhensibles il m'empêcha de dormir. Ce fut une leçon d'humanisme car j'ai senti que des pulsions de rejets montaient en moi. Pourtant cet homme cabossé et paumé avait autant, et même plus de droits que moi d'être hospitalisé et soigné. Pendant 10 ans j'ai participé au Samu Social en maraudant une soirée par semaine à la rencontre des SDF de Rouen. Je connais donc bien leurs problèmes mais sur mon lit d'hôpital mon seuil de tolérance est anéanti et j'ai mal supporté de partager la chambre, les toilettes, le lavabo... Ce fut une sacrée leçon d'humilité.

Même si rien n'est simple, la situation n'est pas idyllique mais elle a le mérite de bien montrer tout de même notre chance de vivre en France.

Voila ce qui ressort de tous ces contacts éphémères mais riches avec les personnes qui m'ont sauvé la vie à qui j'adresse toute ma gratitude admirative.

Ai-je répondu à la question sur la qualité du CHU français ? 
A vous de le dire chers lecteurs car ma seule prétention est de vous intéresser et de vous associer à ma curiosité. 
Avec la crise du coronavirus, nous n'avons pas fini de découvrir la passion de sauver des vies et je lui fais confiance avec admiration et reconnaissance.


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