samedi 30 mars 2019

LA CRISE ET SES MOTS CLEFS

La crise des gilets jaunes avec ses 20 samedis de troubles à l'ordre public fait éclater quelques pétards dans nos jambes de citoyens. Ces pétards sont les mots clefs de la situation et ils risquent de nous rendre sourds et donc hermétiques ou inaptes au discernement.



Rouen, près de laquelle j'habite, est une des villes les plus touchées avec des millions d'euros de dégâts perpétués par des minus, des casseurs extrêmement violents, et nous pouvons donc nous interroger :
  • Sommes-nous dans une phase révolutionnaire ? 
  • Sommes-nous au bord d'une guerre civile ?
LES GRANDES ÉMEUTES DE NOTRE HISTOIRE

D'abord, dans notre histoire, ce fut toujours une goutte d'eau qui fit déborder le vase. Rappelons-nous des principaux coups de sang du peuple et de son ras-le-bol révélant sa "fièvre fraternitaire" en 1648,1789, 1830, 1848,1871,1934, 1968 et 2018.
Ces simples dates historiques montrent que la Nation a toujours été secouée par des crises violentes mais qu'elle a aussi trouvé les ressources en elle-même pour s'en sortir.
  • Le 26 août 1648, le petit peuple élève des barricades jusque sous les fenêtres d'Anne d'Autriche et du jeune Louis XIV, car elle vient de faire arrêter le doyen du Parlement, le très populaire Broussel, en qui les parisiens se reconnaissent car il vit très simplement près de la place de Grève. 
    -La Régente Anne d'Autriche avec ses enfants-
    La reine reproche au Parlement de contrecarrer son pouvoir. Malgré la libération de Broussel, la Cour doit s'enfuir en pleine nuit pour se réfugier au château de Saint-Germain-en-Laye. Il faudra quatre ans pour calmer les esprits.

  • Les 5 et 6 octobre 1789, c'est le début de la Révolution : "Le peuple en insurrection est inaccessible d'ordinaire au raisonnement" écrit Madame de Staël. On connaît la suite effroyable qui abreuve nos sillons d'un sang impur...2 000 000 de morts...
    -Les femmes marchant vers Versailles pour réclamer du pain au roi-

  • Le 25 juillet 1830, Charles X, réforme la loi électorale en excluant une partie importante de la bourgeoisie et supprimant la liberté de la presse. La réaction est immédiate, les Trois Glorieuses mettent à bas le régime : "Le régime légal est interrompu, celui de la force est commencé. L'obéissance cesse d'être un devoir", écrit de Rémusat. "Ce n'est pas une émeute, mais une révolution !", écrit Marmont à Charles X. Les troubles se répandent de quartiers en quartier au slogan  "A bas les Bourbons !".
    -La Liberté guidant le Peuple par Eugène Delacroix-
    Charles X doit abdiquer, et Talleyrand et Thiers poussent en avant le futur Louis-Philippe car l'hypothèse par La Fayette de la proclamation de la République fait long feu et ce sont la bourgeoisie et les libéraux qui récupèrent à leur profit la révolution.
  • Le 14 février 1848, une maladresse du gouvernement  allume la mèche de l'incendie. La simple proscription d'un banquet politique par le préfet de police cristallise l'exaspération de la bourgeoisie, classe dominante mais frustrée par un suffrage électoral restrictif qui la prive d'une bonne représentation à l'Assemblée Nationale. Il faut savoir que ces fameux banquets permettaient de contourner la loi d'interdiction de réunion. Parallèlement, l'émergence d'une conscience de classe ouvrière, forgée dans la misère d'une exploitation dans l'industrie naissante, développe "un vent de révolution est dans l'air", s'inquiète Tocqueville face à l'immobilisme du gouvernement. La crise économique de 1847 pèse donc lourdement quand le banquet est interdit. Place de la Madeleine, les étudiants issus de la bourgeoisie et les ouvriers fraternisent.
    -Barricade de la rue Soufflot par Horace Vernet-
    La Garde nationale tue un manifestant et l'émeute éclate dans les rues de Paris. Cinquante morts. On promène les cadavres des "martyrs" sur des charrettes à la lueur des torches, pour stimuler la détermination des révolutionnaires et des centaines de barricades s'érigent. Pour éviter un bain de sang, Louis-Philippe signe son abdication. Lamartine proclame  à l'hôtel de ville la République.

  • Le 18 mars 1871, Thiers veut récupérer les canons de la Commune à Montmartre. "Entre les factieux de l'hôtel de ville et les intolérants aveugles de l'Assemblée, La France gît, saignante, frappée au cœur. Si l'Histoire dit un jour que l'insurrection a poussé le pays dans l'abîme, elle ajoutera que le pouvoir régulier et légal a tout fait pour rendre sa chute mortelle", écrit Emile Zola. 



25000 morts, tel fut le terrible bilan de la Commune.



  • Le 6 février 1934, les ligues d’extrême droite marchent sur l'Assemblée Nationale.






  • L'Action Française, la Solidarité française, les Croix de feu, l'Union nationale des combattants, virulents mouvements de la droite extrémiste s'unissent contre Daladier, le chef du gouvernement radical : "le manteau des étouffeurs" recouvrant les couloirs de la Chambre et de la Bourse. "Les pourris radicaux", comme  la droite les appelait, sont évincés et c'est un homme de droite, Gaston Doumergue, qui est investi pour le pouvoir.

  • Je n'évoque pas mai 1968, car nous avons tous en mémoire les faits et les conséquences. J'en fus un très bref acteur, élu par un comité d'étudiants, à la Fac de la Salle Pétrière et quand j'en compris les illusions et que la violence des masses me fit peur, je suis rentré chez moi à Rouen. Seul Pompidou, avec les accords de Grenelle, nous sortit de la "Chienlit", expression significative du général de Gaulle.




Maintenant à la lumière de cette Histoire de nos pages révolutionnaires, je tente de dégager des axes d'analyses pour comprendre la crise actuelle. Je le fais en cherchant les mots clefs si souvent diffusés par les médias. Bien sûr dans cet article je n'aborde pas les conquêtes sociales car c'est un trop vaste sujet pour le cadre restreint de cette analyse. 


MON ANALYSE par le petit bout de mes lorgnettes :


1) Le populisme ne serait-il pas tout simplement ce qu'appelait Freud en 1930, le "malaise dans la civilisation"?  

La révolte des gilets jaunes, a été allumée par la taxe très maladroite sur les carburants. En s'auto-proclamant le peuple, les gilets jaunes, sur chaque rond-point, sont devenus des comités de salut publics qui n'ont pas su et pas voulu s'unir. 
Comme le carnaval "des Connards, fête populaire de Rouen au Moyen-âge",  la négation du pouvoir, avec cet uniforme jaune, symbole des accidentés de la route ou des éboueurs, poussent les pitres des réseaux sociaux, à saper toute délégation représentative avec un sentiment de toute puissance : tout le monde est chef, tout le monde est roi ! L'important c'est de participer au carnaval comme si celui-ci pouvait perdurer ! 

Ce carnaval n'est pas dans ma pensée une appellation méprisante pour qualifier les gilets jaunes. Elle signifie seulement l'absurdité de la non communication ou de la déconnexion entre ce mouvement montant des ronds-points et se perdant dans les nuées pour changer réellement une situation vécue.

En fait comme le disait Alain Peyrefitte dans "Le mal Français" en 1976, la France n'a jamais pu se débarrasser de son héritage absolutisme et du centralisme du pouvoir. Les révolutions ont toutes été un échec démocratique à ce niveau. D'où la tentation du populisme conduisant à l'irresponsabilité et surtout à une autre forme du totalitarisme. 

L'illusion de la démocratie directe avec les demandes contradictoires telles que l'instauration de référendums d'initiatives populaires, la non délégation représentative, la destitution de la V° République, l'instauration d'une proportionnelle intégrale pour les élections législatives ou constitutionnelles, et de multiples autres mesures économiques de types étatiques. Ce sont sans doute les expressions populistes du malaise de notre civilisation française.

2) La technocratie n'est-elle pas un fléau politique typiquement français ? 

La gestion de la Nation est au main de hauts fonctionnaires formés par l'ENA, C'est un fait ! C'est une castre coupée des réalités que subissent les petites gens qui n'arrivent pas dès le premier de chaque mois à bien vivre. La centralisation du pouvoir accentue d'avantage cette fracture sociale. Et pas la peine d'aller plus loin dans mon analyse car c'est une évidence admise par tous.

Emmanuel Macron avait promis de nous en libérer en moralisant la politique, en refaisant de la France un pays d'entrepreneurs, en décentralisant la gestion de l'espace public, en rationalisant les impôts. 
Tout cela demandait une délégation pédagogique des ministres qui devaient expliquer au français les réformes en cours. Quelques ministres remarquables comme ceux de l'Education Nationale, de la Santé, des Affaires étrangères,du Travail, des Comptes-Publics le font très bien. Et puis Il y a, comme contre-exemple désastreux,  Nicolas Hulot qui quitta le gouvernement sous le prétexte que la réforme écologique du système économique était trop lente. Cette honteuse trahison politique, d'un faux ami, est grave car comment dire, après ça, aux gilets jaunes que les choses doivent changer progressivement pour être efficaces ? 

Ces messages contradictoires d'irresponsables politiques vaniteux et des gilets jaunes pourraient rendre fou un Président de la République non lucide. 

Mais j'ai été sidéré,  par Emmanuel Macron, à l'occasion de ses débats. Il a rencontré, connaissant à fond tous les sujets abordés sans aucune notes.  une multitude de Français de tous bords, de toutes conditions, des élus comme de simples citoyens. 

Les grands absents de ces rendez-vous sont ceux qui en ont le plus besoin, les gilets jaunes ! De par leur propre volonté de ne pas dialoguer, ils se sont engagés dans une impasse dramatique. C'est absurde et ubuesque car en plus ils désignent le chef de l'Etat comme un bouc émissaire.

3) Le bouc émissaire est un phénomène bien connu depuis les travaux anthropologiques et philosophiques de René Girard qui publia en 1979  "Des Choses cachées depuis la fondation du monde"un livre de recherches avec Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort. Lecture difficile mais passionnante sur le mécanisme victimaire. Pour faire simple, tout ordre social est le fruit de la violence. "Donne-nous du pain et des réformes indispensables mais malheur à toi si tu oses toucher à nos privilèges !" 

Les Français face à leur Histoire et leurs révolutions aiment, comme le disait un de des prédécesseurs du président, choisir un roi pour lui couper la tête. Certains "guillotineurs" voudraient lui réserver le sort des tyrans. 

4) Mais Emmanuel Macron n'est pas Louis XVI ! 
Il serait plutôt un hybride de Henri IV et Philippe, duc d'Orléans, le Régent, précepteur de Louis XV, avec la réincarnation de leur charisme, intelligence, érudition, vision, liberté de penser et enfin leur activisme... Même ses adversaires les plus acharnés lui reconnaissent ces qualités. 

Emmanuel Macron n'a pas inventé toutes les injustices sociales, la richesse des plus riches, la pauvreté des plus pauvres... Il a hérité d'une crise très ancienne qui devait péter depuis des années comme un gros pétard dans un carnaval.  

On lui reproche de ne pas venir de la France d'en bas, de ne pas avoir connu la précarité, de ne pas écouter, d'être le Jupiter parce qu'il fit des études brillantes, qu'il acquit une compétence bancaire, qu'il sut gagner beaucoup d'argent... On prétend même qu'il n'aime pas le peuple ! 

Donc il est devenu le président des riches puisqu'il supprima l'ISF qui faisait fuir les capitaux vers l'étranger. 

Quelle bêtise que tout ce foutoir d'idées reçues !

5) La seule réalité est qu'il ne connut pas les mandats électifs comme maire, conseiller départemental, député, sénateur et il lui manque donc l'expérience du terroir. 
Son intelligence politique en est handicapée car il connut le sommet sans même escalader la montagne. Il y est arrivé magiquement en hélicoptère. 
Aujourd'hui, il a plongé dans le carnaval pour comprendre ce qui lui arrive. 

Que va-t-il proposer pour sortir de la crise ? En tout cas ce sera très long car il faut réformer nos schémas de penser, nos réflexes de classes, nos systèmes de représentation politique, notre solidarité sociale, notre fiscalité, notre justice, notre école, notre temps de travail, notre décentralisation... Bref ! le magicien Macron devra être plus fort qu'Harry Potter et je je connais pas sa baguette magique !

6) Ce carnaval va-t-il dégénéré en révolution ou en guerre civile ? 

La masse populaire croit en sa propre puissance, ses récupérateurs de tous poils, les faux rois, tendent vers le chaos. 

Macron a-t-il eut raison de croire qu'il fallait attendre le moment où la stagnation allait dégonfler le ballon des émeutiers? 

L'opposition entre la bourgeoisie, classe contente, et les rebelles, les misérables, va t'elle enfin nous ouvrir les yeux sur le réel ? 

7) Quelles sont les conditions de la justice et la paix sociales ?

Si je comprends les revendications des contestataires et approuve certaines de leurs aspirations, je crois qu'il faut reconnaître que le Président Macron ne peut pas faire de miracle et qu'à l'échelle mondiale, le peuple compte parmi "les défavorisés les mieux favorisés de tous les pays de notre planète".
Voici donc mes ressorts pour essayer de comprendre la situation et j'espère vraiment que le carnaval cesse pour revenir aux choses sérieuses : la formation de notre jeunesse pour répondre à la révolution technologique qui nous attend si on veut être autonome vis-à-vis des Etats-Unis et de la chine. 

Le problème n'est pas dans les inévitables inégalités mais dans les injustices sociales. On a vu avec le totalitarisme ce que donnait la politique égalitaire des pays de l'Est. 

La seule économie productrice de richesses est celle du libéralisme. Pour qu'une politique de justice sociale soit effective, il faut une économie dynamique pour pouvoir répartir les fruits du travail. C'est ça le vrai défis de notre société. 

Formation, compétence, technologie, travail sont les piliers de la paix sociale à condition que chacun reçoive sa part du gâteau.

Rassurez-vous chers lecteurs, je ne suis pas un homme politique et je n'essaie de convaincre personne car je sais que chacun de nous n'a qu'une petite fenêtre ouverte sur le monde et que ni vous, ni moi, possédons la vérité et ça m'apaise... Je ne suis pas certain d'avoir raison et le doute est un de mes moteurs pour avancer.



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